L'église de St-JEAN D'ANGÉLY (17) 


Texte intégral de Charles CONNOUË
Photos de Michel CARON et Wikipédia et Ministère de la Culture



SAINT-JEAN-D'ANGÉLY

Chef-lieu d'Arrondissement (à 26 kms ou Nord de Saintes)


Au cours de son passé glorieux et difficile, la ville de Saint-Jean-d'Angély, dont l'importance au Moyen Age dépassa celle de Saintes, eut jusqu'à neuf églises. La plus ancienne dont il est fait mention dans ses annales, simple chapelle d'ailleurs, remonterait à l'an 401. Aujourd'hui, à part quelques édifices récents et une église souterraine mentionnée à l'angle des rues Gambetta et des Jacobins, découverte en 1892 et datant du XIIIe ou du XIVe siècle, il n'en subsiste que deux : l'une,



 l'église paroissiale, construction en principe provisoire, l'autre,



« Les Tours » construction inachevée. L'une et l'autre au même emplacement sont des suites, des prolongements, de la fameuse Abbaye clunisienne qui, durant huit siècles et plus, occupa une si large place dans la vie spirituelle, économique et même artistique de la région. Son influence se fit sentir dans tout l'Ouest de la France.



Il faudrait un long chapitre pour écrire l'histoire de l'Abbaye, qui se confond d'ailleurs avec celle de la ville, elle-même place forte et capitale de la Basse-Saintonge.
Indiquons seulement que fondée par Pépin d'Aquitaine, vers 820, pour conserver le Chef de Saint Jean-Baptiste rapporté d'Orient, elle disparut en 1568 incendiée par les calvinistes.
L'apôtre Jean, compagnon du Christ, avait eu la tête tranchée sous les yeux d'Hérodiade et de Salomé. Ce « chef » d'abord perdu puis retrouvé, aurait été, dit la légende, transporté par un moine du nom de Félix, dans une barque, qui après un voyage miraculeux aborda sur les côtes de Saintonge. Déposé dans un monastère dédié à la Vierge, puis transporté dans la première église de l'Abbaye, romane alors, il passa d'un édifice dans un autre au gré des reconstructions successives, jusqu'à l'anéantissement final au cours des guerres de religions.

L'Abbatiale élevée au XIIIe siècle, la dernière en date, formait un ensemble magnifique. C'était, dit un ancien texte, « une des splendeurs du monde ». Elle avait douze autels, des verrières immenses et innombrables et six tours encadraient ses trois entrées.
De ces merveilles il ne subsiste — et par un extraordinaire; hasard — que deux contreforts isolés et trois fenêtres de chevet. La hauteur étonnante de ces contreforts, qui épaulaient des voûtes plus élevées qu'eux, donne une idée de l'impressionnante hauteur de cette construction qui avec ses bâtiments, occupait aux enrvirons un espace considérable.
De son existence tourmentée faite d'une alternance de périodes de rayonnement et de misère, émergent les dates et les faits suivants :
820, fondation ;
867, destruction par les Normands ;
941, relèvement des ruines ;
XIe et XIIe siècles, remaniements successifs et agrandissements ;
XIVe siècle, pillage par les Anglais, notamment en 1346 ;
1562, pillage par les huguenots ;
1568, destruction par les mêmes. Tout est abattu et brûlé : église, bâtiments, objets du culte, reliques ;
1608, réédification d'une église et de nouveaux bâtiments conventuels ;
XVIIIe siècle, mise en chantier des Tours, puis arrêt en 1790 ;
1899, reconstruction de l'édifice paroissial actuel (par souscriptions).

Cette dernière église, moderne et sans style défini, qui ne devait-être qu'un édifice d'attente, offre néanmoins à l'œil un aspect agréable et plaisant, élégant même.



Les voûtes d'ogives de son vaisseau vaste et clair recouvrent trois nefs de neuf courtes travées. Les doubleaux de séparation s'appuient sur des colonnes cylindriques à chapiteaux composites, bien traités quoiqu'un peu chargés d'ornements.
Les bas-côtés sont éclairés par des fenêtres en ogives à vitraux aux coloris chauds et profonds. A l'étage supérieur des fenêtres tréflées éclairent directement la nef centrale.
Le chevet à fond plat est percé de trois longues fenêtres en tiers-point accolées. Ce sont celles qui subsistent de l'ancienne Abbaye. Elles ont été classées Monuments Historiques avec les deux contreforts qui servent aujourd'hui de clocher.
Parmi les curiosités dignes d'être remarquées dans cette église (dédiée à Saint Jean-Baptiste), il faut citer :
_ Une Vierge à l'Enfant en bois, du XVIIe siècle.
_ Un tableau de Th. Chassériau « le Christ au jardin des oliviers », tous les deux classés.

Sur le glacis d'un des nouveaux contreforts, côté Sud, est dressée une croix de pierre, d'un très bon travail. Elle ornait, il y a peu d'années, le dôme du Sacré-Cœur à Paris.

LES TOURS


A quelques mètres devant l'entrée occidentale de l'église Saint-Jean se dresse un bel édifice de pierre malheureusement inachevé. Ce remarquable ensemble architectural constitue « les Tours » connues dans toute la région.
Commencées en 1741, elles devaient dans l'esprit des constructeurs, les Bénédictins, devenir église paroissiale, tout en continuant l'ère de la grande Abbaye, détruite au XVIe siècle, dont elles étaient la quatrième réédification . Les travaux furent d'abord poussés activement, mais bientôt les matériaux se firent rares et on chercha à récupérer les fondations de l'ancienne Abbaye. Le corps de ville s'y opposa. Les travaux interrompus, reprirent cependant en 1751.  En 1756 les fonds manquèrent et les chantiers durent s'arrêter. Ils ne travaillèrent plus par la suite qu'irrégulièrement jusqu'en 1790, date où la Révolution vint mettre un terme final et définitif à cette grandiose entreprise.

La ville de Saint-Jean-d'Angély y perdit une belle et vaste église à trois nefs, mais y gagna d'impressionnantes ruines, toutes prêtes à défier le temps et d'un style, (celui dit « Jésuite ») dont il existe peu d'exemplaires en Saintonge.
Au début du siècle dernier ses voûtes non terminées s'écroulèrent.
Les tours longtemps abandonnées, servirent ensuite momentanément de prison ; puis quelques salles aménagées aux étages reçurent des affectations diverses ; elles forment aujourd'hui le cadre d'un intéressant musée d'archéologie.



Telles qu'elles existent actuellement,   « les Tours ». avec leur dessin harmonieux et ferme, leur belle ordonnance classique et malgré une absence-totale de détails d'ornementation, puisque tous les chapiteaux et les surfaces à décorer sont simplement épannelés, les Tours constituent la pièce maîtresse de l'élément artistique angérien.
Elles ont été classées Monuments Historiques le 12 Novembre 1914.



______________________ Fin du texte de Charles CONNOUË

Les églises de la SAINTONGE (livre III épuisé)

édition: R.DELAVAUD (Saintes) avec leur aimable permission ________________




AD Nov. 2023


 

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