L'autre jorn el pueg d' Eschalas.
Noël traditionnel de la région de TULLE 
Ce noël populaire de Tulle et des environs, a été attribué à Bertrand de Latour, qui vivait au XVIIe siècle.
Mais il semble plutôt, par ses allusions, ne pas remonter au-delà des dernières années du premier Empire (1814-1815).


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chant de NOËL trad région de TULLE

L'autre jorn, el pueg d'Eschalas,
N'eran quauques pastoreus,
Que contavan las estialas
En gardan nostres tropeus,
Quan, tot d'un cop, la lusor
D'un grant e brillan esclaive
Nos apareguet dinz l'aire
E nos remplit de freior.

Mas la pau fuguet pus bela
Quan veguem eitor de nos,
D'anges una vibanbela
Que credavon a plena votz :
— « Qu'a jamais Diu siá lauvat
« D'aver fach finir la guerra
« Que lo cial fasia a la terra
« A causa de sos peschats.

« N'ajatz pau, prenetz corage
«  Vos est nat tin gran senhor.
« N'en mérita vostre omage
 « Miels qu'un autre de la cor.
« Se voletz saber ont' es,
« N'es coijat dins un estable,
« Dinz un estat miserable
«  E n'en tremola de freg.

« Adonc — tornet dire l'ange —
« Davalatz vos en alen.
« Per lo cas lo mai estrange,
« Es nascut en Bethleem.     
« Sa maire l'ai a cialat 
« Aquel efan adorable.
«  Se n'era estat 'quel estable,
« Nadalon n'era gialat. »

Quò es que nos botem en rota.
Partiguerem dos per dos.
Toni que n'a pas la gota,
N'en portava lo blandon.
Jan que n'a pas freg aus dets.
Jugava de la chabreta,
Giroulet de la grinleta
E Josep del flaijolet.

Aneram dinz lo vilatge,
Revelhar nostre Jantou.
Voguet esser del voiatge,
Per veire lo nadalon.
Nos seguia en sautican ;
 Sa maire que tremolava, 
Tos los momens li credava :
— « Janton, ne coretz  pas tan ! »

A la fi, trobem l'estable,
Aprep l'aver pro cherchat.
Veguem l'efan adorable
Que l'ange avia anonssat.
Sa maire qu'era prep d'el
Dinz lo momen lo mudava,
Lo bon Josep l'adjudava
E li ténia lo chalel.

Adonc, tota nòstra banda
Tornare nos estrumens.
E nos fagarem  l' ofrenda
A genolhs, devotament.
La Senta Vierja jasen,
A totz nos lo presentava;
Chascun lo potonejava
E li fasia son presen.

Dinz l'estable de son paire,
 Girart prenguet un anhel;
De la gabia de sa maire,
 Josep n'emportet l'auzel.
Jan n'avia dos jaletons
 Liatz amb lo fial d'una blesta ;
 Lor avia copat la cresta
E passavon per chapons.

Toni, que, dinz sa jeunessa,
Avia estat bon escolier,  
Enquera, dinz sa vielhessa,
Sabia mais qu'un meirilher.
Li disset, per complimen :
— « Diu que ses vengut sus terra,
« Se n'era estat de la guerra,
«  Vos portarian de l'argen.

« Permetez qu' aquesta annada,
« Puescham veire far la patz.
 « Vos n'en fariam una aubada
« Coma jamais n'avem fach.
« Tiratz nos 'queus coletors,
« Que son tos farcitz de ronles ;
« Fasetz n'en -perdre los monles
« Per ujan e per tojors. »

« Tiratz nos 'queus coletors,
« Que son tos farcitz de ronles ;
« Fasetz n'en -perdre los monles
« Per ujan e per tojors. »

L'autre jour, au Puy des Échelles,
 nous étions quelques pastoureaux,
à compter les étoiles
en gardant nos troupeaux,
quand, tout à coup,
la lueur d'un grand et brillant éclair
nous apparut dans l'air
et nous remplit de frayeur.


Mais notre peur augmenta
quand nous vîmes autour de nous
 une longue ribambelle d'anges
qui criaient à pleine voix :
— « Qu'à jamais Dieu soit loué
d'avoir terminé la guerre
que le Ciel faisait à la Terre
à cause de ses péchés.


« Rassurez-vous, reprenez courage.
 Il vous est né un grand seigneur.
Il mérite votre hommage
 plus qu'aucun autre de la Cour.
Si vous voulez savoir où il est,
 il est né dans une étable;
 [il est] dans un état pitoyable
et grelotte de froid.


« Alors — reprit l'ange
— descendez là-bas.
Par un cas des plus étranges,
 il est né à Bethléem.
Sa mère y a abrité
 cet enfant adorable;
 sans cette étable,
 le petit Noël était gelé. »


Alors, nous nous mîmes en route.
Nous partîmes deux à deux.
Toine, qui n'a pas la goutte,
portait le brandon.
Jean, qui n'a pas froid aux doigts,
jouait de la chabrette,
Girard des grelots
et Joseph du flageolet.


Nous allâmes dans le village,
réveiller notre Jantou.
11 voulut être du voyage
pour voir le petit Noël.
Il nous suivait en clopinant.
Sa mère qui tremblait [pour lui],
à tous moments lui criait :
 — « Jeantou, ne courez pas si fort ! »


Enfin, nous trouvâmes l'étable
 après l'avoir assez cherchée;
nous vîmes l'enfant adorable
que l'ange avait annoncé.
Sa mère, près de lui.
le changeait à ce moment.
Le bon Joseph lui prétait la main
et tenait le "chalel".(1)


Alors, toute notre bande
Rejoua de ses instruments.
 Et nous fîmes l'offrande
à genoux, dévotement.
La Sainte-Vierge « gisante »(2)
 à tous nous le présentait.
Chacun lui donnait un baiser
et lui faisait son présent.


Dans l'étable de son père
Girard avait pris un agneau ;
de la cage de sa mère
 Joseph avait emporté l'oiseau;
 Jean avait deux petits coqs
attachés ensemble avec un écheveau de fil;
il leur avait coupé la crête
et ils passèrent pour chapons.


Toine, qui dans sa jeunesse
avait été bon écolier,
 en savait, en sa vieillesse,
plus qu'un sacristin.
11 lui dit, en compliment :
— « Dieu qui êtes venu sur la terre,
 si nous n'avions eu la guerre,
nous vous aurions apporté de l'argent.


« Permettez que cette année,
nous puissions voir conclure la paix.
Nous vous ferions [si cela pouvait être] une aubade
comme jamais nous n'en avons fait..
Délivrez-nous de ces  collecteurs
qui sont tous farcis de rôles.
(3)
 Faites qu'ils en puissent perdre le moule,(4)
 cette année et pour toujours. »

Délivrez-nous de ces  collecteurs
qui sont tous farcis de rôles .
 Faites qu'ils en puissent perdre le moule,
 cette année et pour toujours. »

(1)  CHALEL: ce dont se couvrent les pauvres gens pour se garantir du froid et de la pluie comme le font les bergers.
(2)JASEN/ GISANTE:  se disait en limousin d'une jeune femme encore alitée relevant de couches.
(3) RÔLES : jadis rouleaux de parchemin ; ici il s'agit probablement de feuillets sur lesquels sont inscrits les impôts (en nature) que les collecteurs  vont exiger des paysans.
(4) MONLE/MOULE: probablement un outil de mesure ou gabarit pour mesurer les denrées perçues comme impôts. (Tels que les boisseaux pour les céréales) En Limousin se dit d' un moule à gogue pour le  boudin (dictionnaire du patois du bas-limousin.)

On peut remarquer au passage que les "offrandes" ont été empruntées au domaine familial _économie limousino-auvergnate ?
Pire encore : couper la crête pour faire croire qu'il s'agit de chapons au créateur ! Une telle ruse il fallait la faire !!
Cela traduit-il le fond anticlérical du limousin?
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Partition et textes ( corrigé pour suivre le chant) selon
J. B. Chèze, Léon Branchet, Johannès Plantadis - "Chants et chansons populaires du Limousin",
 page 36 revue "LEMOUZI" N° 136 (oct 1995)

Chanté par Florence Fontanille au repas chantant à Château-Chervix (87)
organisé par Françoise ETAY en fevrier 2013.
Le tempo a été ralentit de 25% dans cette version.

Voici la version originelle
(Source:  http://la-biaca.org/component/muscol/Z/69-informateurs-multiples/625-repas-chantant-chateau-chervix-2013.html)



Revue "LEMOUZI"


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