à propos des "TRIFRONS"

La première rencontre vous interpelle!

A la deuxième l'on commence à se poser plus de questions...

Et puis en visitant le plus grand vitrail de la Saintonge dans la petite église de ROMEGOUX l'on découvre alors par hasard une peinture murale représentant un pape trifrons ! Un pape se prendrait-il pour Dieu?

Je n'ai pas trouvé de sources liant ce thème avec des évènements particuliers, certaines représentations seraient plutôt diaboliques ! Mr Terrisse a abordé le thème dans sa chronologie...

Trois visages ? C'est  Trinitaire

Quatre yeux ? C'est le terrestre donc l'incarnation

Pas d'oreilles ? cela introduirait le nombre 2 qui n'a rien à voir !

Certains ont une couronne ? d'autres n'en ont pas


Un "TRIFRONS"?

c'est explicite voici celui d'AUJAC (17) qui m'a interpellé et poussé à investiguer ce thème. Le deuxième est celui de l'abbaye de FONTDOUCE (17) mais d'un style moins épuré.

Trois visages___Trinité

TRIFRONS AUJAC _17___Quatre yeux __Incarnation

Il fallait y penser !

 


Les TRIFRONS SAINTONGEAIS !



AUJAC

Le TRIFRONS de l'église d'AUJAC

Angle N-E de la chapelle sud

partie XV e de l'église.

Le TRIFRONS de CHAMPAGNAC


Le TRIFRONS de l'église de CHAMPAGNAC

Rustique et datant comme l'église du  XIII è.
(voir le contexte).

(Envoyé par Mr Jaspard Armand)

Trifrons de l'église paroissiale Saint PALLAIS à SAINTES

Le TRIFRONS en cul de lampe près d'un chapiteau mur sud
de l'église paroissiale de Saint PALLAIS
(agrandir)
à SAINTES daterait du XIII ième siècle 


TRIFRONS de Pont l'abbé d'Arnoult

Le TRIFRONS de Pont l'abbé d'Arnoult  en façade.
Je lui trouve un air de famille avec celui de CHAMPAGAC.
(voir le contexte)
(Envoyé par Mr Jaspard Armand)


Trifrons d'Aubeterre
Le TRIFRONS de l'église d'AUBETERRE (16)
est une partie d'un chapiteaux plus complexe 
Ce trifrons  porte des cheveux mi-couronne mi flammes d'enfer . Sa  barbe centrale est bifide et il est moustachu. Le sculpteur envoie un autre message dont la signification fait partie de l'ensemble du chapiteau. (Mon humble interprétation)
(Envoyé par Mr Jaspard Armand)
Modillon St COUTANT-le-GRAND (17)

Le TRIFRONS de l'église de Saint COUTANT le GRAND

Angle N-E du mur Est

église du XIe restaurée au XVe.


Genouillé (17)


Le TRIFRONS de l'église de GENOUILLE.

(J'ai enlevé l'horrible modillon de Ste GEMME du XIX è)

Trifrons de ROMEGOUX

Le pape TRIFRONS de l'église de ROMEGOUX

présumé du XVIII è sur le mur nord

(voir le contexte)



TRIFRONS de l'Abbaye de FONTDOUCE

Le TRIFRONS de la salle capitulaire de l'abbaye de FONTDOUCE XIII è au centre du mur nord en cul de lampe.

(Envoyé par Mr Jaspard Armand)


à propos du pape trifrons de  ROMEGOUX:

La fresque sur le mur opposé mentionne Antony Prevot MDCCXXXII (est-ce le donateur ou l'artiste?) .

Il ne s'agit pas d'un pape particulier selon François Boespflug, mais tout simplement de la Trinité. Dieu règne aux royaumes des cieux et bien sur terre il est représenté par le Pape, il ne faut y voir que la Trinité et rien d'autre selon lui.

C'est l'époque ou un pape Clément XIV adorant la Trinité est représenté sur une peinture de Giovanni Battista Tiepolo vers 1739, donc peut-être une recrudescence de piété pour la Trinité ? mais pourquoi braver un interdit ? ou bien cette fresque est-elle antérieure à celle du mur sud ?.

____________________

François Boespflug a écrit un article sur le sujet:

"Dieu en pape. Une singularité de l'art religieux de la fin du Moyen Âge ", Revue Mabillon (n.s.), t. 2 (= t. 63), 1991, p. 167-205.

____________________



BIBLIOGRAPHIE

    • Dieu dans l'art, F. BOESPFLUG - Paris, 1984
    • L'Univers des CELTES de Barry Cunliffe_Bibliothèque de l'image.(consulté à la médiathèque de Tassin la demie-lune .-la photo du  vase de BAVAY)
    • Mythes et Dieux de la Gaule de Jean Jacques Hatt _Ed.Picard 1989 (consulté au musée gallo-romain de Lyon)
    • Recueil général des bas-reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine par Émile Esperandieu tome III _Imprimerie Nationale MDCCCCX.(consulté au musée gallo-romain de Lyon)
    • Iconographie du tricéphale par M Roger Legros (acte du colloque . Le monde des images en Gaule..)(consulté au musée gallo-romain de Lyon)
    •  "Dieu dans les arts visuels" http://eduscol.education.fr/D0126/fait_religieux_boespflug.htm
    • M F Boespflug pourrait transmettre une bibliographie très complète pour ceux qui désirent approfondir.
_
 
La TRINITE fait controverse vers 1121, voir la condamnation d'Abélard pour son ouvrage sur le sujet:
 


ORIGINE DES TRIFRONS

Ces visages sont extraordinairement modernes

et pourtant cette représentation existait déjà chez les CELTES ,

Vase celte de BAVAY

Trifrons en terre cuite, détail d'une applique de vase trouvé à BAVAY (Nord) IIe siècle.

PHOTO -L'Univers des CELTES de Barry Cunliffe_Bibliothèque de l'image

Remarque : les yeux ne sont pas encore partagés, mais le compte est bon !



Ci-dessous voici la publication presque intégrale de M Jacques TERRISSE

article paru dans le cent soixante quatorzième volume des travaux de l'académie nationale de REIMS dont il est membre titulaire

(Rèmes: habitant de l'antique région de REIMS)

"LE DIEU A TROIS TÊTES DES RÈMES

le TRICÉPHALE"


par Mr Jacques TERRISSE.

Les tricéphales, quelquefois appelés "trifrons". sont des sculptures ou peintures représentant des personnages humains dotés de trois têtes partiellement fusionnées, d'où leur nom. Ces représentations sont de toutes les époques depuis les Étrusques au moins jusqu'à nos jours. (...)

L'inventaire succinct qui suit mettra en évidence le foisonnement et l'extrême dispersion géographique et chronologique.

On peut distinguer deux types principaux courants, avec toutes sortes de différences de détail :
- la première forme présente trois visages fusionnés, un vu de face, un tourné vers la gauche et un vers la droite, si bien qu'en les regardant, on ne voit que deux yeux. Les trois visages sont très ressemblants l'un à l'autre. Dans une variante très répandue, les figures latérales sont en oblique, si bien que quatre yeux sont visibles.
- un deuxième modèle possède les trois têtes séparées mais attachées à un seul corps. Les visages peuvent alors être très différents l'un de l'autre. Une variante fréquente dans l'antiquité consiste à répartir les trois têtes autour d'une colonnette, surmontant un corps unique plus ou moins esquissé.
- parmi les genres plus rares on voit par exemple associer trois têtes dessinées tournant dans un cercle à 120° l'une de l'autre, la barbe de chaque personnage servant de cheveux au suivant, etc...
De nombreux auteurs se sont attaqués à ce problème :
- d'un côté, on trouve les archéologues et les historiens de l'antiquité (HATT, S.REINACH, DE VRIES, DUMEZIL, MOINE etc..) qui s'attachent à trouver un sens aux nombreuses représentations tricéphales gallo-romaines qui forment un ensemble très important,
- d'un autre on a les spécialistes du symbolisme médiéval ou de l'iconographie religieuse (E.MALE, BOESPFLUG etc..) qui cherchent une lecture spirituelle,
- s'intéressent aussi à la question des personnes qui y voient des symboles initiatiques, maçonniques ou templiers (le Baphomet), ou se servent du thème pour appuyer ou illustrer des idéologies de type occultiste ou anti-chrétien, par exemple les Témoins de Jéhovah dans leur argumentation anti-trinitaire.
L'inventaire chronologique qui va suivre n'est pas exhaustif, simplement il énumère un certain nombre de modèles sur lesquels il a été possible de trouver des documents de qualité suffisante.
(...)
L'époque gallo-romaine siècles I et II


A partir du premier siècle de notre ère, on assiste à un foisonnement de modèles, d'abord dans le pays Rémois, puis tout au long du réseau routier "AGRIPPA", de TRÊVES à NIMES. Ces sculptures, très généralement en pierre, exceptionnellement en céramique (BAVAY) ou en métal (bronze d'AUTUN) sont les survivantes d'une très vaste production, tant à l'époque de l'indépendance que durant l'Empire, et dont les réalisations, qu'on peut supposer majoritairement en bois, ne nous sont pas toutes parvenues. Quelle que soit l'interprétation donnée par les chercheurs, tous y voient une représentation religieuse.
Le tricéphale type des productions Rèmes est un parallélépipède de pierre, d'environ 20 à 25 cm de haut, un peu moins de large et 10 d'épaisseur. C'est donc un petit objet, le plus grand, exceptionnel, est celui de SOISSONS qui atteint environ 35 cm de haut. La petite taille de ces sculptures fait penser à une utilisation religieuse familiale plutôt que publique. Le catalogue ESPERANDIEU en décrit une demi-douzaine, presque identiques, rien que pour REIMS même (3651, 3652, 3654, 3656, 3657, 3658, 3659) entiers ou endommagés.Dans ces blocs, l'image tricéphale se présente de face.

Le visage est toujours garni de moustaches, barbu ou non. On ne voit que deux yeux. Les côtés sont décorés de motifs divers : figures normales, couteaux etc.. la partie supérieure est surmontée d'un animal, un bélier la plupart du temps (coq à SOISSONS). Ces décors annexes sont utilisés par certains auteurs (Mme MOINE par exemple) pour identifier le sujet.
A REIMS, on trouve également un très beau pilier à trois faces (ESP 3655). d'autres, plus frustes, proviennent de tout le pays Rème : REIMS (3661 - 3745), BRIMONT(3751), NIZY-LE-COMTE (3762), BROUSSY et AY.
Les vitrines de la grande salle gallo-romaine du rez-de-chaussée et de la salle celtique du 1° étage du Musée Saint Remi présentent la plupart de ces oeuvres.
Un bloc (ESP 3756) taillé provenant de LA MALMAISON, près de LOR, c'est-à-dire des confins Nord du pays Rème, montre les trois visages de trois-quarts, et représente en quelque sorte l'intermédiaire entre le modèle classique et celui sur colonnette. Au Musée des Antiquités Nationales à SAINT-GERMAIN-EN-LAYE.
La densité particulièrement forte des trouvailles à REIMS et dans les environs proches fait évidemment penser à une origine Rème du thème. Mais le manque de précision des datations est extrêmement gênant : il faut dire que presque tous ces blocs sculptés ont été trouvés au 19e siècle, au hasard des travaux de construction, en particulier dans les quartiers nord de REIMS, hors contexte archéologique. Les datations ne peuvent donc se baser que sur des critères stylistiques, par exemple la présence de barbes ou la manière de dessiner les yeux, ce qui laisse une marge d'imprécision trop grande.

Au nord de REIMS, en pays Nervien, à BAVAY (et aussi à TOURNAI et L1BERCHIES en Belgique), on trouve des figures tricéphales en appliques de vases. Ce système d'appliques à motifs religieux indigènes semble être une spécialité de la région et peut concerner d'autres thèmes comme celui de MERCURE (vase de SAINS DU NORD près d'AVESNES par exemple). On constate, dans ces réalisations Nerviennes une nette différence d'avec les modèles Rèmes : en effet les visages sont assez nettement séparés, collés l'un à l'autre plutôt que fusionnés. De la sorte, quatre yeux sont visibles.
En dehors du pays Rème et Nervien, presque toutes les trouvailles s'éparpillent au long du réseau routier stratégique et commercial (Voie AGRIPPA) qui s'étend de la vallée du Rhône à la Germanie d'un côté et à la Manche de l'autre : de TRÊVES à NIMES. Celle dispersion est généralement interprétée comme une diffusion à partir du pays Rème.
Ce sont en général des modèles très classiques, comme celui de TRÊVES (ESP 4937). METZ (ESP 7234), des deux de LANGRES (ESP 3287 et un non répertorié).
A COLOGNE, il s'agit d'un petit vase à trois têtes réparties autour de la circonférence, très différent comme style des céramiques nerviennes. Le Musée des Antiquités Nationales possède un modèle très voisin, d'allure et de taille, mais en verre (provenance non signalée).
Les modèles Eduens des Musées d'AUTUN (ESP 2131- Provenance DENNEVY en Saône-et-Loire), de BEAUNE (ESP 2083) et de NUITS-SAINT-GEORGES (Les Bolards), se présentent tous trois sous la forme d'un groupe de trois personnages dont l'un est tricéphale. Le groupe des BOLARDS est complété par des animaux dans la partie inférieure : taureau, cerf, sanglier etc... de véritables miniatures, en rapport avec la petite taille de l'ensemble (environ 30 cm de haut).


Un autre provient d'ETANG-SUR-ARROUX (Saône-et-Loire, région d'AUTUN) mais se voit au Musée des Antiquités Nationales à SAINT-GERMAIN-EN-LAYE. Il s'agit d'une très petite statuette de bronze montrant un personnage assis en tailleur. De chaque côté de sa tête se trouvent deux autres visages nettement plus petits. Le sujet principal se rapporte donc au "DIEU ASSIS EN TAILLEUR" que certains chercheurs considèrent comme une entité particulière dont il existe plusieurs modèles (Dieu de BOURAY dans l'Essonne, Dieu d'EUFFIGNEIX en Haute-Marne, un autre à ST-MARCEL-ARGENTOMAGUS dans l'Indre, au moins un personnage du laineux CHAUDRON de GUNDESTRUP assimilé à CERNUNNOS. cl derrière lui les autres CERNUNNOS de REIMS et de VENDOEUVRES dans l'Indre etc...
Au M.A.N. se trouve également un modèle très fruste provenant de Bourgogne sans autre indication et de datation très floue.
De la région de NIMES provient un très beau modèle (ESP 2668) figurant dans les collections du Musée de LYON.
En dehors de cette voie AGRIPPA, les découvertes sont rares :

- A PARIS, au Musée Carnavalet, un exemplaire qui a peut-être appartenu au PILIER DES ARMES DE MARS.
- Au Musée de BORDEAUX, un modèle provenant de la Dordogne (CONDAT-sur-TR1NCOU) avec trois têtes assez bien séparées, le personnage unique étant doté du torque,
- A AUCH(ESP 1055)
- A CABAZAT (Puy De Dôme) où la figure centrale est féminine, ce qui est exceptionnel.
Dans d'autres catégories d'objets, deux figurations tricéphales sur intailles, d'origine romaine ou gallo-romaine, sont signalées, mais sans indication de dates ou de provenances, l'une ayant été réutilisée comme sceau par THIBAUD DE NAVARRE vers 1245, l'autre étant d'un modèle "tournant".

Pour ces tricéphales antiques, les commentateurs et analystes se répartissent en quatre courants :
Les deux premiers groupes pensent que l'aspect triple de la tête est une manière un peu originale d'exprimer le superlatif, la puissance, le chiffre 3 étant, dans beaucoup de cultures, le symbole de la grandeur.
- les uns (S. REINACH, N. MOINE etc...), s'appuyant sur certaines décorations annexes, pensent qu'il s'agit d'un MERCURE local,
- les autres (DE VRIES. S. DEYTS etc...) estiment qu'il peut s'agir de n'importe quelle divinité.
A l'appui de celte idée générale de puissance, s'inscrivent les représentations où figurent des groupes de trois animaux identiques (les grues du PILIER DES NAUTES à PARIS par exemple), des taureaux à trois cornes etc...
Par contre. DUMEZIL considère qu'il s'agit de l'expression des trois pouvoirs tels qu'il les a distingués dans le monde indo-européen, et particulièrement dans les cultures celtes : pouvoir royal, sacerdotal et économique.
Enfin, pour J.J.HATT le tricéphale représente, soit Trois personnages divins associés dans un mythe commun, soit le même personnage dans trois étapes (avatars au sens hindou du terme) d'un parcours mythique personnel, ou un mélange des deux.

Du troisième au XI e siècle:
Après le troisième siècle, on constate une absence presque complète du thème dans nos régions pendant environ un millénaire, aussi bien dans la sculpture que dans les dessins et peintures, par exemple on n'en trouve nulle part dans les manuscrits carolingiens. Ne font exception que deux spécimens qu'on peut classer dans la bijouterie :
Le petit personnage à trois têtes figurant sur une des CORNES DE GALLEHUS (Slesvig) date probablement du début du Ve siècle de notre ère, cette datation étant tirée de l'étude de l'ensemble du décor de ces cornes. Mais aucune conclusion définitive ne peut être établie par suite du vol et de la fonte en 1802 de ces objets en or.
Un peu plus tard (VIe/VIIe siècles) se situe une boucle de ceinture mérovingienne en bronze publiée par MOREAU et provenant du site du MOULIN DE CARANDA, commune de CIERGES dans le Tardenois.
De date assez imprécise, mais antérieures à la christianisation qui s'étend dans l'Est de l'Europe à partir des IXe/Xe siècles, sont les sculptures slaves à trois faces identifiées tantôt au dieu TRIGLAV et dont on trouve des représentations en Bulgarie (PLOVDIV), en Ukraine (IVANKOVSKY) et beaucoup plus au nord à STETTIN, et tantôt au dieu SVENTOVIT (Pologne). Cela prouve au moins que cette tradition iconographique n'est pas limitée au monde celte, bien qu'elle y soit particulièrement répandue.

A partir du XII e siècle:
A partir du XII e siècle et de l'extension de l'art roman, les modèles se multiplient dans toute l'Europe de l'ouest.
La fresque de GURK en Carinthie (Autriche) attribuée au XIIIe siècle, est d'un modèle tournant.
Des sceaux tricéphales apparaissent en Angleterre au XIIe siècle, et la Trinité chrétienne dans des illustrations (BIBLE MORALISES 1226). A la fin du XIIIe siècle, le HORTUS DELIC1ARUM, manuscrit alsacien bien connu, présente une Philosophie coiffée d'un casque à triple tête. A peu près à la même époque, à ROUEN, à la fontaine des Évèques de Lisieux, le triple casque devient une triple tête.

Une certaine confusion règne dans les datations des sculptures et décorations secondaires des églises romanes, car beaucoup de celles-ci ont été fortement restaurées après la Guerre de Cent Ans. En effet, les églises des XIe et XIIe siècles équipées à l'origine pour leur presque totalité de plafonds horizontaux de bois, incendiés ou au moins endommagés par suite d'un siècle de combats et d'abandon, ont été. lorsque les moyens locaux le permettaient, dotées de voûtes de pierre lors de leur reconstruction. Il faut donc reporter à la période 1450/1550 tout ce qui se rapporte à ces voûtes nouvelles : nervures de soutien, corbeaux d'appui, colonnes supplémentaires et d'une manière générale tout le décor des parties hautes : modillons, frises etc... Le même raisonnement peut s'appliquer aux bas-côtés de certaines grandes églises, construits en matériaux légers à l'origine et reconstruits en dur aux XVe & XVIe siècles avec voûtes, colonnes d'appui, contreforts etc...
Parmi les tricéphales attribués au XIIIe siècle, mais douteux, et ceux nettement placés au XVIe, on trouve un très grand nombre de petites pièces de sculptures : corbeaux, modillons, chapiteaux par exemple. La liste est longue. A noter que c'est seulement à cette époque que se généralisent les modèles à 4 yeux, rares à l'époque gallo-romaine.


Dans la région : NOTRE DAME EN VAUX à CHALONS, églises de TAGNON, LEFFINCOURT, NESLES le REPONS (1518), St AMAND sur FION, POISSONS (Hte Marne 1530), plus loin CLUNY, St JEAN de LOSNE (Cote d'Or), MIEGES (Jura -1603), Hôpital de DOLE, ANGERS (un modillon à la Cathédrale et un chapiteau à ST-NICOLAS), Cathédrale de VANNES (1517). Cathédrale de BAVEUX. OLORON-STE-MARIE. etc...
Il est évident, si on considère l'emplacement de toutes ces pièces, qu'elles ne représentent que des thèmes mineurs et ne peuvent en aucun cas être considérées comme des images trinitaires. Détail singulier, ces sculptures sont à peu près toutes placées sur le côté nord (gauche) des églises.
En même temps que les modèles en pierre, on trouve des quantités de tricéphales en bois, dans les sculptures dites "gothiques" réalisées après 1440, pour l'essentiel des miséricordes de stalles, particulièrement groupées dans le secteur Alsace du sud -Franche-Comté - Suisse occidentale - Savoie : Église ST-THIBAUT de THANN - 2 ex (1441). Cathédrale de SAINT-CLAUDE (1465), Cathédrale de SAINT-.IEAN-DE-MAURIENNE ( 1498), Collégiale de CUISEAUX (Saône-et-Loire - Fin 15e), SAINT-POL-DE-LEON (1512), Collégiale de CHAMPEAUX (Seine-et-Marne -1522), Cathédrale de LAUSANNE, Église ST-LAURENT à ESTAVAYER-LE-LAC (Suisse - 1525), Église des Dominicains à COPPET (Suisse - 1525). ST-GERVAIS (PARIS - 1550), Chapelle du château d'USSÉ (1645) etc... I1 est évident que le thème ne représente alors aux yeux des sculpteurs rien de très glorieux et certainement pas la Trinité chrétienne. Mais cela ne veut pas dire qu'il se fasse n'importe quoi : là aussi, on note que les miséricordes à tricéphales se trouvent à peu près dans tous les cas dans les stalles nord, côté gauche du choeur .
Autres que les miséricordes, mais toujours dans le même contexte des stalles gothiques en bois et toujours au nord, on trouve des décors d'accoudoirs ou de fin de rangées (LAUTENBACH, près de THANN - 1466).
A l&exception de la miséricorde de PARIS-ST-GERVAIS qui est un tricéphale tournant, tous sont du modèle le plus classique en majorité à deux yeux, un peu moins fréquemment à quatre. Les ressemblances entre certaines réalisations d'artistes différents font penser à des carnets de croquis circulant dans les ateliers. Aucune trace de ces cahiers ou carnets n'a cependant été conservée. Les archives anciennes du Compagnonnage ont disparu au début du XIXe siècle.

Fin du Moyen-Age
A la fin du Moyen-Age, dans la décoration des édifices religieux, les tricéphales n'ont probablement représenté dans le foisonnement des modèles, qu'une bizarrerie de plus, tolérée par l'Église parce que finalement dénuée de signification inquiétante.
Dans les illustrations de manuscrits, il peut en être différemment : le Lucifer de l'HISTOIRE DU SAINT-GRAAL (15e) est un démon à triple visage, cette vision remontant au moins à ORIGENE et peut-être avant.
A l'inverse, à partir du début du XVIe siècle, on voit apparaître de nombreux personnages tricéphales franchement trinitaires : le plus ancien et le plus typique se trouve dans une gravure du "MISSEL DE VERDUN" datée de 1509 et recopiée en de nombreux exemplaires, tant sur d'autres ouvrages imprimés ou xylographies que sur des panneaux sculptés (porte à BORDEAUX).
Peu après, les images trinitaires se multiplient sur les vitraux, et cette fois à des endroits et suivant des modalités ne laissant aucun doute : NOTRE-DAME-EN-VAUX à CHALONS (1527). MESN1ERES-EN-BRAY (Seine-Maritime - 1550), AMBRONAY (Ain) etc... Le symbole est si évident que des artistes dessinent des anti-trinités également tricéphales (Mathias GRUNEWALD - 1523).
Plus tardives sont les peintures, généralement en zone germanique : Alsace (KAYSERSBERG), Allemagne, Autriche (SALZBOURG).

Au XVII et XVIII è condamnations
Les représentations trinitaires de ce type, considérées par certains théologiens comme impossibles dans la nature et donc monstrueuses, vont être interdites par URBAIN VIII en 1628. cette condamnation étant confirmée par BENOÎT XIV au milieu du 18è siècle.

Ailleurs et plus loin encore
Hors d'Europe, et à des dates telles que tout contact avec les cultures occidentales chrétiennes semble exclu, on trouve quelques réalisations en Amérique précolombienne : un pectoral maya en jade du 9è siècle et un vase Zapotèque du 13è (OAXACA).
Une tradition hindouiste et bouddhiste semble s'être répandue en Extrême Orient à partir du 8è siècle (TRIMURTI de la Grotte des Eléphants à BOMBAY), puis du 13è (Cambodge), du 15è (Tibet). S'inscrit dans cette tradition le dieu ASHURA du Japon. Dans tous ces modèles asiatiques, les têtes sont juxtaposées, accolées, plutôt que fusionnées, mais portées par un corps unique. De nombreuses sculptures similaires à quatre têtes voisinent avec celles à trois, si bien qu'on peut se demander si, dans cette aire de culture il ne s'agit pas du même symbole.

Le problème reste posé, car il n'est véritablement résolu par personne, de savoir si le tricéphale est une variante du bicéphale, ou bifrons, type JANUS, ou s'il est véritablement quelque chose d'autre. La même question reste non résolue aussi pour les modèles à quatre visages, en particulier en Extrême-Orient. Par contre, les très rares exemples à quatre visages (miséricorde de stalle à ZURICH - fin 14è) dans nos régions peuvent être considérés comme des variantes accidentelles d'un tricéphale dont la signification symbolique s'était perdue et qui n'était plus qu'un modèle de sculpture comme un autre.
Parmi les représentations n'ayant pas de caractère religieux, direct ou non, les plus anciennes semblent être celles de PISANELLO. La première, un dessin à la plume, daterait de 1440/50 et se trouve au Louvre. L'autre est un revers d'une médaille à l'effigie de LIONEL D'ESTE antérieure à 1443, car reproduite à cette date par le peintre BADILE dans une fresque d'une église de VERONE.
LE TITIEN (1565) réalise un tableau assez curieux avec les trois âges de la vie d'un homme (National Gallery - LONDRES) où les trois têtes humaines accolées sont accompagnées d'autant de têtes d'animaux symboliques : un lion de face, un ours à gauche et un loup, ou un chien à droite. Suivant l'expression de BALTRUSA1T1S, "c'est un essaim de gueules et de visages enchevêtrés". Le tableau est assez bizarrement considéré comme une "allégorie de la Prudence".
Au 19è siècle, DAUMIER, dans la foulée de ses "poires" anti-louis-philippardes, exécute une caricature assez drôle : une tête à trois visages très piriforme et fort ressemblante.
Le thème de la fusion des visages a été repris récemment par COCTEAU, puis par une société de formation et de gestion de ressources humaines. Plus près de nous encore (1987) Henri de MONTROND a symbolisé de cette manière l'unité des trois races humaines dans un dessin destiné à illustrer la Fête de Pentecôte dans le Missel des Dimanches de 1987. Une autre version a été créée par cet artiste en 1990.

CONCLUSION
Que dire en conclusion de cette brève évocation, sinon que nos ancêtres nous ont laissé là une bien belle image toujours actuelle et toujours chargée de nouvelles significations. Peu de thèmes graphiques ont eu cet honneur.

et voici des trifrons du XIII è

BM Beaune ms0039f002 Psaultier 13e

BM Beaune ms0039f002 Psautier 13e

Envois de Mr Michel Terrier qui chasse les trifrons lièvres 


Trifrons de REIMS Faubourg de Laon: (II è siècle)

(2 yeux partagés) Photos J Terrisse

Trifrons de REIMS (II è siècle) (2 yeux partagés)

Voici un Trifrons photographié sous remontrances justifiées au musée gallo-romain de LYON:

Trifrons originaire de NIMES qu musee de LYON

Trifrons originaire de Nimes au musée de LYON (4 yeux partagés), II è siècle.

Deux des visages sont barbus et la couronne est faite de torsades de baies de lierre.

Trifrons de NESLES le REPONS

Cul de lampe trifrons à NESLES-le-REPONS (Marne)

Photo J.Terrisse.

____________

CHALONS sur MARNE

Trifrons collégiale N-D en VAUX achevée en 1217 à CHALONS-sur-MARNE, XIIe/XIIIe

Photo J.Terrisse.

PISANELLO - Médaille de Lionel d'Esté 1443

PISANELLO - Médaille de Lionel d'Esté 1443

Photo Rizzoli source J Terrisse.

Photo 9

Miséricorde de stalle située au milieu du rang haut coté sud datée de 1465 dans la cathédrale St Pierre de SAINT-CLAUDE (Jura)

envoyé aimablement par Mme Véronique Blanchet-Rossi - Archiviste à St CLAUDE

Toutes les miséricordes sont sculptées la liste des détails à:

http://www.patrimoine-de-france.org/oeuvres/richesses-36-11758-81687-P68768-201730.html

Trifrons vitrail de CHALONS sur MARNE 1527

Christ trifrons sur un vitrail de CHALONS-sur-MARNE, XVIe siècle (1527), église N-D-en VAUX

envoyée par Mr Ravaux Jean-Pierre.

Voici une icône TRIFRONS

Icone trifrons St QUIRIACE de PROVINS 16e

Icône église St Quiriace de PROVINS XVIe siècle.

Source Internet

Voici un TRIFRONS espagnol

modillon trifrons de ARTAIZ

Modillon à ARTAIZ (Espagne) envoyé par Mr Emmanuel Pierre.

et un à Vitré (35) sur la chaire façade Sud.

VITRÉVITRÉ

Envoie de M Buno Lysée



Une enluminure du VIIIe siècle.

Sacramentaire DROGON du VIIIe
Le Sacramentaire de Drogon (Paris, Bibliothèque Nationale, MS lat. 9428)
 est un manuscrit enluminé carolingien sur parchemin
contenant les textes du sacramentaire, un des monuments des livres illustrés carolingiens.
En fait se sont les quatre évangélistes en archange:
 Jean est l'aigle, le visage Mathieu, le lion à gauche Marc,
et le taureau à droite Luc.

Quelques enluminures du XIIIe siècle.

 Besancon

Besançon

(BM-ms-0140-f001)

 

TRIFRONS psautier de VESOUL fin XIII è

Psautier de VESOUL fin du XIII è

(BM-ms-0006-f002)

M Michel Terrier   s'interresse aux lièvres trinitaires 

http://trois-lievres.skyrock.com/ 

Auxere




Les différentes époques des TRIFRONS

Une époque présumée  védique (Inde ou l'on représente Ishvara sous les traits d'une trinité tricéphale à savoir : Brahma, Vishnou et Shiva.) que les Celtes originaires de ces contrées..

Une époque gallo-romaine vers le II e siècle certifiée par le grand nombre de pièces trouvées particulièrement en Champagne

Une époque gothique au XIII e, aux dates douteuses concernant les sculptures qui sont sur des pièces architecturales mineures comme des culs de lampe ou modillons et pourraient bien être postérieures. Ce seraient alors les premières représentations de la Trinité.

Une époque gothique au XV e, sur divers supports notamment des miséricordes de stalles ( les moines y posent leurs postérieurs ce qui leur permet de rester debout avec moins de fatigue). Rien de diabolique ni de trinitaire ce serait uniquement du décor...

Une recrudescence au XVI e siècle avec des vitraux et un sens vraiment Trinitaire.

 Une période de bannissement au XVII e qui n'aurait peut-être pas été suivie d'effets immédiats


 
À propos de la représentation divine:

(Ex 20,4 : " Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi. Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, la-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre. ")

Ni les Israélites ni les musulmans ni les protestants n'ont jamais franchi le pas de la représentation de Dieu, suivant en cela le texte biblique!

 
 
La non-représentation de Dieu fut respectée en tous cas pour les sculptures des églises des XIe et XIIe siècles de la SAINTONGE.

.

Le portail de l'abbaye aux-Dames de SAINTES montre la main de Dieu et ceux de CORMES-ROYAL et TALMONT un agneau pascal.

   
L'église a condamné les représentations trinitaires anthropomorphes très tardivement:

_d'abord le dominicain Saint Antonin (1389-1459), confrère de Fra Angelico

_en 1628 le pape URBAIN VIII.

_Benoît XIV en 1745 réitérera pour interdire la représentation du Saint-Esprit en homme séparément des deux autres Personnes . Cette mesure sera complétée par un décret du Saint-Office, en 1928, interdisant cette fois toute image anthropomorphe de l'Esprit, fut-ce au sein du groupe trinitaire.

Je ne désespère pas trouver d'autres TRIFRONS en SAINTONGE.

C'est hors sujet par rapport aux XIe & XIIe siècles,

mais c'est tellement en ligne avec le don des sculpteurs pour représenter l'impossible, comme la foi, le vice, l'âme... !

Voici un autre moyen utilisé plus tardivement pour représenter la Trinité

un TRICÉPHALE :

tricephale

Artaiz en Espagne (envoyée par M Emmanuel Pierre)

Un tricéphale probablement de l'époque gallo-romaine

 interroge toujours les spécialistes:

la déesse de Cébazat (POuy de Dôme)

La déesse tricéphale de Cébazat (63)

Découverte en 1889 dans un vieux mur 
Le visage est très fin , un diadème dans les cheveux et deux petites têtes en guise d'oreilles
(Hécate+Séléné+Artémis ?)

Remerciements à:

M Emmanuel Pierre qui m'a transmis de belles photos et orienté au début de mes recherches.

la charmante archiviste du musée gallo-romain de LYON

M François Boespflug pour ses explications données par téléphone et mail.

M Jacques Terrisse pour son article qu'il m'a autorisé à reproduire ici et que malheureusement j'ai écourté au début, qu'il me pardonne.

M Ravaux Jean-Pierre pour sa belle photo du vitrail de Chalons-sur-Marne.

Mme Véronique Blanchet-Rossi - Archiviste à St CLAUDE

M Michel Terrier  qui s'interresse aux lièvres trinitaires et m'a envoyé ces  enluminures.

M Armand Jaspard  pour le trifrons d'Aubeterre, de Champagnac et de Pont l'abbé d'Arnoult.

M Bruno Lysée pour le trifron de Vitré (35)

Mises à jour:
Novembre 2006 puis Avril 2007  le modillon de St Coutant le grand puis oct 2007 pour  les lièvres, puis fev 2008 Aubeterre, puis avril 2008 Champagnac et Pont l'abbé d'Arnoult, puis septembre 2008 pour celui de SAINTES dans l'église Saint Pallais, puis oct 2010 pour Genouillé/puis Cébazat Fev 2016/ Janv 2020 enluminure sacramentaire DROGON./ Nov. 2020

Alain Deliquet
courriel
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