L'église romane Ste Radegonde

de TALMONT sur GIRONDE (17)

Texte intégral de Charles CONNOUË (livre 1 épuisé)
édition: R.DELAVAUD (Saintes)


Photos de Michel ROCHAT et Alain DELIQUET


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"Site Belle Saintonge"


Commune du. Canton de COZES (à 8 kilomètres au Sud-Ouest de Cozes et à 34 kilomètres de Saintes)


L'église de Talmont est le monument religieux le plus visité, sinon le plus connu de la Saintonge.
Sa valeur archéologique et sa renommée historique ne sont pas étrangère à sa célébrité, mais c'est surtout la situation unique et infiniment pittoresque qui lui a valu sa réputation.

TALMONT sur GIRONDE


Cet antique édifice roman se dresse, en effet, à l'extrême bord d'une falaise escarpée qui domine le bras de mer qu'est la Gironde vers son embouchure. Il est si près des flots que pendant les tempêtes d'hiver ses vieilles murailles sont continuellement fouettées par les embruns. La mer, a cet endroit en lutte constante avec la côte, ronge sans répit ses bords et c'est par une sorte de miracle, aidé il faut le reconnaître par le travail opiniâtre des hommes, que cette église ne s'est pas encore entièrement abîmée dans les eaux.
Aujourd'hui la façade Ouest s'élève au-dessus d'un mur de soutènement dont le pied est baigné par l'océan et que des travaux incessants de maçonnerie maintiennent seuls en bon état.
Un petit cimetière agreste environne l'église sur deux cotés et ajoute encore à l'originalité du curieux tableau formé par la mer les rochers et le vieux monument.
Talmont était à l'origine le petit port (Note 1 ) d'une agglomération romaine située a un ou deux kilomètres à l'intérieur des terres (Moulin du FA).

Plus tard, c'est dans ce port que s'embarquaient, pour traverser le golf de Gascogne, les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle.(Note 2).

chemins de compostelle


 Vers l'époque carolingienne un prêtre y construisit une chapelle dédiée à Sainte Radegonde. Cette chapelle fut bientôt cédée ( en 1094) à l'abbaye de Saint-Jean-d'Angély, mais subsista jusqu'au XVe siècle à côté de l'église principale.
A la disparition le vocable passa ou resta à l'église actuelle. « A quel autre saint pourrait être consacré cet édifice qui domine la mer et est perpétuellement menacé par elle ? » dit Ch. Dangibeaud. D'après les litanies. Sainte Radegonde est, en effet : 
« L'ancre très assurée de ceux qui sont en péril de mer ».

L'édifice actuel est une construction du XIIe siècle. Dangibaud précise qu'il a été édifié entre 1140 et 1170 par les mêmes ouvriers qui bâtirent Rétaud, Rioux, Pont-l'Abbé et Arces.

TALMONT sur GIRONDE: abside sud

L'abside d'ailleurs n'est pas sans analogie avec celles de Rétaud et de Rioux. Même disposition générale, même remarquable arcature au premier étage et surtout identiques colonnes contreforts a retraits successifs. Mais la décoration est beaucoup moins riche que celle des deux merveilles de la Saintonge. Elle est aussi beaucoup plus détériorée.

TALMONT sur GIRONDE

Talmont a été primitivement édifié en forme de croix latine parfaite. Nef à deux ou trois travées, transept avec absidioles, choeur et abside demi-circulaire, mais dès le XVe siècle la mer sapant et détruisant la falaise avait fait disparaître une grande partie de la nef côté Ouest, ce qui explique la forme et l'emplacement de la façade occidentale actuelle qui ne clôt plus qu'une nef à une seule travée.


Au-dessous de celle-ci il a été découvert au siècle dernier une vaste crypte qui s'étend tous le terre-plein placé en avant de la façade. Avec ses 9 mètres de longueur, cette crypte, qui a la forme d'une proue de vaisseau, ne se trouve à marée haute séparée de la mer que par une muraille de 1 m. 50 d'épaisseur. Entre les deux étages s'étendait un plancher en assez mauvais état. L'espace inférieur servait d'ossuaire. Vingt mètres cubes d'ossements, en ont été retirés et quelques monnaies carolingiennes dont certaines en or y ont été recueillies.
Le transept particulièrement large, couvert comme la nef d'une voûte de pierre en forme de berceau brisé, a son carré encadré par quatre énormes massifs formés de colonnes accolées dont les bases surélevées reposent sur un tambour ou banquette circulaire. Quatre arcs en tiers-point a double ressaut supportent une coupole sur pendentifs dont la base est ornée d'un fin cordon sculpté.

De beaux chapiteaux romans bien travaillés terminent les colonnes.

TALMONT sur GIRONDE

TALMONT sur GIRONDE

Chaque bras du transept est complété par une absidiole voûtée en cul-de-four. Celle de droite sert de sacristie. Devant celle de gauche, qui est occupée par une chapelle, 

TALMONT sur GIRONDE

est suspendu en ex-voto un magnifique trois-mâts.

TALMONT sur GIRONDE

Le choeur de vastes proportions est nu. L'abside légèrement plus étroite que le choeur, aussi voûtée en cul-de-four, a son demi-cercle orné de cinq fenêtres larges et hautes (deux aveugles). Leurs cintres décorés s'appuient sur d'élégants chapiteaux surmontant des colonnes posées sur des crédences a hauteur d'un cordon faisant le tour de l'abside.

TALMONT sur GIRONDE

Ce cordon se continue sur les murs du choeur, tandis qu'un deuxième, également ouvragé, souligne la voûte. Les fenêtres sont ornées de colonnettes à chapiteaux.
Talmont a deux façades, une à l'occident, une au Nord. La première ogivale du XVe siècle, qui regarde le Médoc, est un simple mur à pignon percé d'une porte gothique dont le cintre supérieur en accolade se hérisse de crochets. Deux puissants contreforts l'étayent aux angles.
L'autre, la principale, qui occupe toute l'élévation Nord du bras gauche du transept, est rehaussée d'une belle décoration romane. 

TALMONT sur GIRONDE

Au rez-de-chaussée un portail en plein-cintre à trois voussures richement ornées s'accompagne de deux baies aveugles dont les chapiteaux très fouillés sont réunis par un bandeau sculpté.

A l'étage se développe une arcature à sept cintres portés par de fines colonnettes avec au-dessus encore une corniche à modifions et couronnant le tout un pignon obtus percé d'un large oculus.

TALMONT sur GIRONDE

La scène, qui se déroule sur l'arc de la porte aveugle de gauche a été fort commentée. Certains y voient un saint Georges ou un chevalier armé combattant un dragon en présence de femmes. Pour d'autres c'est l'illustration d'une vieille légende répandue autrefois dans le pays. Des hommes pieux, aidés d'un ange, débarrassent la contrée d'un démon redoutable en le conduisant par un simple lien, se précipiter dans un abîme. Malheureusement toutes les sculptures ont été très détériorées par l'air salin et les intempéries et beaucoup sont informes.
A l'intérieur de l'église, près d'une niche à droite du transept, étaient disposés quelques fûts de colonnes de différents ordres dont pendant longtemps l'origine n'avait pu être déterminée. Il s'agissait de vestiges trouvés au Moulin du FA, importante station romaine à quelques kilomètres à l'Est de Talmont, mise à jour récemment (Note 3).

Dans la sacristie sont conservés quelques sujets intéressants : des chandeliers Louis XIII, des croix de procession, deux encensoirs fort anciens, un devant d'autel brodé particulièrement soigné, donné dit-on par Marie-Antoinette. Un beau Christ en bois (classé) orne un des piliers du choeur.
L'église de Talmont faisait autrefois partie du système fortifié de cette petite place d'armes longtemps occupée par les Anglais. C'est une des dernières localités qu'ils abandonnèrent dans la région. Durant des siècles le clocher qui devait s'élever au-dessus du carré du transept a servi de tour de guet avant de disparaître au cours d'un siège ou peut-être au moment des guerres de Religion.
A l'emplacement de cet ancien clocher une courte construction moderne, édifiée au commencement du présent siècle, a quelque peu modifié l'ancienne silhouette de cet édifice.
Avec son vieux cimetière, l'église de Talmont a été classée Monument Historique le 31 janvier 1934.

Fin du texte de Charles CONNOUË_________________________________

Les églises de la SAINTONGE (épuisé)

___________________________________Éditions DELAVAUD à SAINTES avec leur aimable permission

VOIR L'ALBUM JQ

Note 1: Suite aux fouilles qui ont succédé à la prospection aérienne menée par M J. Dassié sur le site du FA, (voir le lien plus bas) il s'agit en réalité d'un port très conséquent. La ville offre des vestiges d'une cité de taille importante avec des entrepôts, des thermes et un amphithéâtre qui sera prochainement fouillé. Une visite au site du "moulin du FA" à BARZAN  s'impose si le sujet vous intéresse.(Voir des liens plus loin)

Note 2 : Cet itinéraire semble  contesté aujourd'hui, il  s'agissait d'un itinéraire assez secondaire.

Note 3 : Ces vestiges ont réintégré le site du FA.

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"Faisons parler quelques sculptures ou du moins essayons...  

Les mots en gras se réfèrent à mon glossaire sur ce site

Des anges encadrent l'Agneau Pascal qui en fait n'en est pas un puisqu'il porte une sorte de pierre et non sa croix

En Saintonge il n'y a pas de croix !

Une chaîne humaine qui tire un quadrupède _ symbole opposé à la spiritualité _

Au dessous une chaîne constituée d'anneaux se terminant en fleur de lys _ symbole de pureté et chasteté _

et au-dessous une chaîne humaine d'acrobates _ l'acrobate est celui qui marche vers le ciel _

Pour délimiter le sanctuaire des fleurs de lys formant non pas un entrelacs, ni des rinceaux, 
mais des "X", tout un programme pour les officiants qui doivent être purs pour que leurs prières soient écoutées...

Côté nef un volatile _ symbole de très haute spiritualité _ enseigne à l'oreille d'un monstre humanoïde

Dans le choeur à droite dans des collerettes à motifs de dents de scie des pseudo-fleurs de lys orientées vers le sol.
Entre deux visages insérés dans des collerettes à motif de ruban perlé _ symbole de la règle _ une magnifique
fleur de lys orientée vers le sol mais enfermée dans un coeur.
( A Aulnay ainsi que d'autres lieux des fleurs de lys sont dans des filets ou en cage)


Dans le principal de la corbeille : une belle femme, un guerrier casqué portant un bouclier et un monstre crachant des flammes.
C'est un clin d'oeil à St-Georges qui a vaincu le dragon et montre l'exemple aux clercs.
Pour la femme trois hypothèses:
C'est elle l'ennemi ( thèse répandue à l'époque dans le milieux clérical ; voir l'église de LE DOUHET) en symétrie du dragon
C'est la fille du roi, promise au dragon selon la légende.
C'est l'Église qu'il faut protéger

A propos de Saint Georges et du chapiteau qui lui est attribué:
    • La légende de Saint Georges se serait formée au XIIe siècles et aurait été fixée par Jacques de Voragine vers 1266 . On y apprend que le saint est le général des chrétiens pour avoir entraîné les croisés à la victoire lors de la bataille d'Antioche qui eu lieu en 1098. La croix rouge sur fond blanc était l'emblème des croisés. Cet emblème n'est mentionné comme croix de Saint Georges qu'en 1277 (sous Edward I) et St Georges  n'est devenu  le saint patron de l'Angleterre que sous Edward III. 
    • A l'époque de la construction de l'église de Talmont   nous ne sommes que dans la deuxième moitié du XIIe siècle _1150 à 1200_  pour cette partie de l'édifice. Donc avant la " légende dorée" de Voragine. Saint Georges est déjà très probablement le saint patron des croisés et le général des chrétiens qui par sa foi sauve ceux-ci. Il est donc normal de le trouver en chevalier avec armure épée ou lance et un casque sans cheval en protecteur des croyants. Cette représentation est de la même veine que les représentations du combat entre les vices et les vertus qui sont également revêtus des armes de la foi...La jeune fille qu'il protège serait donc l'assemblée des croyants c'est à dire l'Église ?
    • La légende de Saint Georges si elle est en gestation et aurait été fixée par Voragine pourrait offrir une autre version du  chapiteau de la décollation du porche puisque Saint Georges aurait subit de nombreux supplices avant d'être décapité.
    • Dans ce cas la femme dans l'arcade ( et peut-être ci-dessus)  serait la fille du roi (ou la ville de Sélène) promise au dragon.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_de_Lydda

Le texte de Jacques de Voragine sur Saint Georges:
http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/voragine/tome01/060.htm:

Dans cette arcade le sculpteur raconte la légende de Ste Radegonde


Voici la légende du dragon
vaincu par Sainte Radegonde
patronne des poitevins.

Légende du XIIIe siècle:

Dans les souterrains de Poitiers vivait un dragon terrifiant appelé "Grand'Goule". Les personnes qui le rencontraient étaient immédiatement dévorées. Aussi, les religieuses de l'abbaye Sainte-Croix supplièrent sainte Radegonde d'intervenir. La sainte, pleine de courage, alla affronter la bête, munie de la relique de la Croix, offerte par l'empereur de Byzance. A la vue de cette pieuse relique, la bête fut terrassée.
Au Moyen Âge, les effigies de la "Grand'Goule" étaient promenées de par les rues de la ville lors des "rogations", processions religieuses. Les Poitevins leur jetaient des gâteaux secs ou "casse-museaux" en disant "protège-nous pour l'année à venir".

à propos de la jeune fille ou femme de bonne allure aux manches pagodes et des légendes poitevines:

Cette femme se retrouve en plusieurs endroits sur les sculptures de Talmont sur Gironde:

-Rampante devant un dragon dans la partie inférieure de l'arcade de gauche
-Lors de la décollation 
-Sur le chapiteau du pilier de transept N-E derrière un chevalier combattant un dragon. 

S'il s'agit de la même personne la scène sur un chapiteau central du porche baptisé "décollation de St Jean baptiste" n'a pas de liens avec la légende ou la vie de Sainte Radegonde à moins qu'il s'agisse de l'assassinat de son frère par le roi son mari et non de la décollation de Jean.

Je ne sais si la légende ( du XIIIe) s'est inspirée de la représentation de cette noble femme représentée face au dragon _ou si c'est l'inverse _ mais c'est tout de même troublant ! 

Il n'en reste pas moins que le sens du chapiteau N-E du transept correspond  au fait d'affronter le Malin avec les armes de la foi que ce soit selon l'interprétation via Saint Georges via Ste Radegonde ou simplement en utilisant les critères d'Anne Blanc ...


Voilà les chapiteaux ont bien parlé ...

A consulter pour l'histoire et l'architecture de l'église de Talmont sur Gironde 
le fascicule du Chanoine Tonnelier que l'on trouve en librairie re-édité:

Talmont Editions DELAVAUD SAINTES

également chez DELAVAUD à SAINTES

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L'église de Talmont sur Gironde fut traitée dans la série "La nuit des temps" sur le livre dédié à la "SAINTONGE ROMANE" pages 231 à  235. Collection "ZODIAQUE"  Édité en 1970 par l'Abbaye de la Pierre qui Vire (Yonne) Épuisé.

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A visiter aux alentours de TALMONT

 

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