La basilique arienne de  RAVENNE

"San Apollinar Nuovo"


Photos:  Bernadette PLAS & Alain DELIQUET

Texte Alain Deliquet 

San Apollinare Nuovo

Une basilique ostrogothe de religion arienne.
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Au VIe siècle, la ville de Ravenne était le foyer le plus représentatif de l'évolution artistique de l'art chrétien, qui est surtout oriental byzantin. L'une des constructions les plus fascinantes de cette époque est la basilique de "San Apollinar Nuovo".

Théodoric, roi Ostrogothe élevé à la cour romaine orientale, conquit Ravenne et une grande partie de l'Italie et y établit son royaume, respectant la ville et contribuant à sa continuité artistique et culturelle. San Apollinar Nuovo fut une grande église de culte arien que l'empereur a ordonné de construire en 505 parmi d'autres édifices religieux. Quelques décennies plus tard, une autre église dédiée au saint patron de Ravenne, la basilique de San Apollinar in Classe, a également été construite.


Saint Apollinaire Nuovo


Une basilique hérétique, revisitée cinquante ans plus tard pour éliminer les traces ariennes.

Plan de San Apollinar Nuovo
  • 1_ Pièce du chancel du VIe siècle
  • 2_ Transenne de paons (IIe moitié du VIe)
  • 3_ Transenne de la croix et grappes ("")
  • 4_ Transenne probablement du VIIIe siècle.
  • 5_ Autel du VIe siècle
  • 6_ Chaire de marbre
  • 7_ Abside d'époque baroque.
  • 8_ Ambon du VIe siècle.
  • 9 à 19 _ Chapelles
  • 11_ Chapelle dite "des reliques"
  • 12_ Chapelle Rasponi
  • 13_ Chapelle Pasolini
  • 14_ Chapelle des comtes Scala
  • 15_ Chapelle de la victoire


Les panneaux du chancel typiquement orientaux:

Chancel de Saint Apollinaire Nuovo







On ne pénètre pas directement dans un lieu sacré à l'époque, un sas ou avant-nef ou narthex sépare l'entrée dans le sanctuaire du monde profane de l'extérieur. Le narthex actuel a été remodelé au XVIe siècle. Le campanile date des VIIIe-IXe siècles, et sa particularité réside dans le fait que plus la construction s'élève et plus les ouvertures sont grandes.

La basilique est composée d'une grande nef centrale séparée des bas-côtés par des rangées de douze colonnes de marbre surmontées de chapiteaux corinthiens qui se distinguent par une simplification du nombre de feuilles d'acanthe.


chapiteau de saint-apollinaire nuovo

On peut remarquer la présence de la croix dans l'immense tailloir, thème totalement absent de nos églises romanes, où il est très rare d'y trouver des croix.


 Théodoric a ordonné la décoration des murs ( et de l'abside, _reconstruite au XVIe_  elles ont été perdues). Destinée à "Notre Seigneur Jésus-Christ" par les ariens, l'église fut rebaptisée "Saint Martin" lorsqu'elle passa aux mains des catholiques romain, altérant (d'autres disent épurant !!) certaines de ses mosaïques, celles où notamment figuraient des princes goths. Puis elle devint " San Apollinar Nuovo" bien que
nuovo soit inapproprié.
Les sept espaces en chapelles, du mur Nord, sont du XVIe siècle.

La nef est très éclairée, huit fenêtre basses dans le mur sud côté cloître et onze fenêtres hautes de chaque côtés.


Saint Apollinaire nuovo
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Seules les mosaïques du registre supérieur, au-dessus des fenêtres, et celles du registre des fenêtres, juste en-dessous, sont d'origine et n'ont pas été touchées.
La basilique montre trois registres, au sommet : 26 scènes de la vie du Christ dédiées à ses miracles et à la Passion.
Entre les fenêtres ce sont les Prophètes, Saints et Martyrs et au-dessous il y avait à l'origine sur chaque mur une procession, avec côté Sud probablement en tête Théodoric l'empereur, venant présenter des offrandes à Jésus, en majesté, tandis que du côté Nord des vierges précédées des mages viennent également en procession devant la Vierge portant l'enfant Jésus.


Le registre supérieur d'époque Théodoric :

Voici quelques scènes du registre supérieur :



Jésus  conduit devant le Sanhédrin.


La cène.



Les femmes devant le tombeau vide.

La vision mystique de ce que l'on appelait «l'autre monde», au temps où l'on ne dissuadait pas les chrétiens d'y croire, se caractérise par la lumière et la densité. Cet autre monde impossible à localiser, puisqu'il échappe aux lois qui régissent le nôtre, est un univers spirituel non pas désincarné, abstrait ou fantomatique, comme on a trop souvent tendance à le représenter, mais au contraire prodigieusement concret ; c'est un monde sans vide, dont la lumière résume toutes les images, toutes les couleurs et toutes les pensées possibles. Il est l'ultime réalité, la réalité absolue, dont les sensations les plus intenses de ce monde-ci ne nous donnent qu'une vague idée. Ces deux caractères se retrouvent en partie dans la mosaïque de Ravenne, qui est la représentation la plus approchée de l'autre monde que l'art nous ait jamais proposée.
(André Frossard dans l'Évangile selon Ravenne )




Jésus bon pasteur probablement comme l'empereur Théodoric ?
Un thème récurant à Ravenne.



Les pèlerins d'Emaüs.


La mosaïque donne également l'impression d'un monde sans vide, en ce sens qu'il n'y a pratiquement pas d'intervalle (si ce n'est une mince fissure de néant) entre ses atomes, dont le moindre est absolument nécessaire à la cohésion de l'image. La sensation d'entrer dans un univers follement concret est avivée par la discrétion du recours à la perspective, à peine indiquée ça et là par un trait d'ombre ou une amorce de dépliement géométrique. Le premier effet de la perspective est de suggérer un espace, donc un vide potentiel, et son inconvénient spirituel majeur est de faire du sujet humain le centre de la composition, qui s'organise autour de lui, toutes choses contraires à la plénitude éblouissante de la vision mystique, phénomène d'objectivité pure dont le centre est partout.
(André Frossard dans l'Évangile selon Ravenne)


La pêche miraculeuse.



Le registre entre les fenêtres toujours d'origine Théodoric :

Basilique Saint Apollinaire Nuovo
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Au registre entre les fenêtres, des personnages vêtus de blanc qui s'identifient avec des prophètes ou des saints sur fond doré et sur fond vert.

Basilique Saint Apollinaire Nuovo
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Le registre sous les fenêtres revisité par Justinien :

D'un côté un cortège de vierges et de rois mages et de l'autre un cortège de Prophètes, Saints et Martyrs.
Les rois mages avec leurs noms est une mosaïque d'origine, c'est la plus célèbre.

Le registre entre les fenêtres
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Côté gauche 22 vierges et les rois mages,

 
Côté droit 26 martyrs dont Saint Martin de Tours en premier
( il y avait auparavant Théodoric en tête du cortège pour présenter des offrandes à Jésus.)


Quelques vierges :


 
Les vierges viennent en procession depuis le port de Classe
Les Saints et Martyrs viennent du palais.

André Frossard à propos des femmes sur les mosaïques :
(Inutile de dire que je ne partage pas ses conclusions fortement vaticanes...)

Elles donnent la vie, non la mort, et n'ont joué qu'un rôle bienfaisant durant toute l'existence du Christ. Fidèles sans défaillance et par suite choisies pour témoigner les premières de sa résurrection, elles n'ont été pour rien dans sa condamnation et son supplice, illustrés sur le mur d'en face, au-dessus du défilé des hommes. Or la fonction essentielle du prêtre étant de dire la messe, et la messe, mémorial de la Passion, comportant le rappel d'une effusion de sang (... «qui sera versé pour vous et pour la multitude»), il s'ensuit qu'elle ne peut être dite que par un homme, ce qui n'implique nulle supériorité, mais des vocations distinctes. A vouloir à tout prix qu'en toutes choses hommes et femmes soient interchangeables, on les prive de cette différence qui les rend indispensables les uns aux autres.
(André Frossard dans l'Évangile selon Ravenne)



Basilique Saint Apollinaire Nuovo


Les mosaïques ont été reprisent par Justinien
( le fils de Galla PLACIDA) 

soit une cinquantaine d'années après celles que THÉODORIC avait fait réaliser.
Ces dernières sont de style hellénistique romain caractérisé par la beauté plastique et le réalisme des gestes et du paysage. Celles de l'époque de Justinien sont plutôt de style byzantin, les personnages évoluent plus dans l'irréel, plus dans la dorure.
Lorsque Justinien est arrivé au pouvoir, il a éliminé les processions royales ariennes, pour les remplacer par des processions de Saints et de Vierges. Il a épargné la structure du palais et du port de la ville, ainsi que les figures du Christ, de la Vierge et de l'Épiphanie.

Voici une partie du palais de Théodoric revisitée pour faire disparaître les hauts fonctionnaires et religieux goths dont il ne reste plus qu'une petite main:


Basilique Saint Apollinaire Nuovo

Des personnages il reste les mains sur les colonnes !


Une mosaïque se compose, on le sait, d'une infinité de tesselles ou petits cubes irréguliers de marbre, de pierres dures, de verre coloré dans lequel on insère parfois une feuille d'or ou que l'on recouvre de confettis de nacre. La technique n'est pas sans rappeler celle de la fresque, dans la mesure où elle exige elle aussi une certaine rapidité d'exécution. On trace ou l'on reporte sur le mur recouvert de plusieurs couches de mortier et de plâtre le dessin d'une scène ou d'un motif, on évide l'intérieur du contour et l'on y coule le plâtre tendre dans lequel on enfoncera les tesselles, non pas de manière à former une surface parfaitement plane, mais au contraire accidentée ou hérissée d'aspérités qui feront ricocher la lumière. C'est ce qui donne à la mosaïque vue de profil sous une lumière oblique l'aspeâ d'une pluie serrée de gravillons qui m'a fait parler tout à l'heure d'«averse tombée du septième ciel». Le peintre à fresque, technique dont la difficulté décourage aujourd'hui beaucoup d'artistes, ne voit pas son &oeliguvre tout de suite ; elle émerge peu à peu de l'enduit, et les couleurs qui apparaissent ne sont pas exactement celles qu'il a posées, de sorte qu'il lui faut, s'il ne veut pas avoir à constater de fâcheuses ruptures de tons, couvrir le maximum de surface dans un minimum de temps. Le mosaïste n'est pas exposé au même danger, puisque ses couleurs ne changent pas quand le support sèche. S'il ne parvient pas à remplir le creux destiné à recevoir sa composition dans le délai voulu, il peut ôter le surplus de plâtre fin et reprendre son travail plus tard sans avoir de mécomptes à craindre. Il doit cependant travailler vite, et il ne peut guère se corriger comme le peintre a la faculté de le faire. Un texte officiel de l'empereur Dioclétien nous donne la répartition des tâches, et la valeur attribuée à chacune d'elles : le créateur de l'illustration était évidemment le mieux rétribué ; il fournissait ce que les tapissiers appellent un «carton» à un «peintre mural», qui reportait le dessin sur la surface à décorer (son salaire était deux fois moindre), préparée par un spécialiste, payé au même tarif (encore un peu moins élevé) que l'ouvrier d'art chargé de poser les tesselles. Ce dernier n'inventait rien, certes, mais à Ravenne il a souvent fait preuve de génie dans l'utilisation des quarante couleurs de sa palette, jouant aussi bien de l'irrégularité des cubes que de leurs différences de reflets. Les empereurs ont toujours le même défaut, ils surestiment l'idée et sous-estiment le réel.

(André Frossard dans l'Évangile selon Ravenne)




Basilique Saint Apollinaire Nuovo


La mosaïque montrant le port est d'origine, mais les barques ne le seraient pas.
 Le port de Classe était le port de Ravenne.



Jésus par les Ostrogoths.
.


Un livre en français remarquable pour les photos et les textes :
"L'Évangile selon Ravenne "  aux éditions Robert LAFFONT (épuisé)

Liens  sur cet édifice :
http://masarteaun.blogspot.com/2010/11/iglesias-de-ravena-i-san-apolinar-el.html
https://seordelbiombo.blogspot.com/2017/10/san-apolinar-el-nuevo-ravenna.html
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Le plan du centre de Ravenne :

Plan de Ravenne
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