L'église romane de

CORME-ROYAL

en Saintonge

Texte intégral de Charles CONNOUË
Photos d'Alain DELIQUET


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CORME-ROYAL Commune du Canton de SAUJON (à 16 kilomètres au Nord-Est de Saujon et à 45 kilomètres de Saintes)

L'église de Corme-Royal, justement renommée, est une des 4 perles de la Saintonge . Mais au vrai, l'intérêt qu'elle suscite se concentre presqu'uniquement sur sa façade. 

Façade de CORME-ROYAL

CORME ROYAL facade

Celle-ci est une merveille d'ornementation et de sculptures. L'abondance et la variété de sa décoration, l'heureuse disposition de ses motifs, l'élégance et le fini de ses modelés, font du premier étage surtout, une œuvre artistique et architecturale qui peut rivaliser avec les plus célèbres de notre région. Cet édifice, ancienne dépendance de l'abbaye-aux-Dames de Saintes, a été construit au XIIe siècle par cette communauté. De nombreux remaniements ultérieurs et des adjonctions, notamment le clocher au XV siècle, ont modifié son aspect.
G. Musset, date la façade du premier quart du XIIe siècle. C'est peut-être la vieillir. Nous voyons là, en effet, une belle réalisation d'un roman très pur, très évolué. L'imagier qui a travaillé à Corme-Royal a dépassé le stade des tâtonnements. 

CORME ROYAL

Il est devenu maître dans son art et a su varier presqu'à l'infini le choix de ses sujets. Ces remarques conduisent a penser à la deuxième moitié du XIIe siècle plutôt qu'à la première.
Une église antérieure, paroissiale aussi, a existé à cet emplacement. Elle s'élevait cependant un peu plus vers l'ouest, c'est-à-dire sur la place actuelle. Une charte de 1040 fait mention d'une église de ce nom qui aurait été donnée à l'abbaye de Vendôme. Sept ans plus tard, cette même église était cédée à l'abbaye de Saintes. Il ne peut s'agir que d'un édifice précédent, détruit sans doute volontairement, comme beaucoup l'ont été à cette époque, pour dire remplacé par l'actuel.

D'après Lesson, aurait échappé à la destruction, un chapiteau de marbre transformé aujourd'hui en bénitier.

On voit, en effet, près de l'entrée un gros bloc de marbre blanc. Informe ou presque, dans lequel on distingue assez difficilement un chapiteau renversé, orné sur quelques parties de feuilles d'acanthe en faible relief. Ce bloc pourrait aussi bien être romain, car un tel chapiteau suppose des colonnes et des entablements peu en rapport avec une église rurale de l'an mille. Récemment, il a été attribué à certains ateliers du Midi, qui au Moyen Age auraient fabriqué en série ce genre d'ornement. Malgré les controverses qu'il a suscitées, ce chapiteau-bénitier n'offre que peu d'intérêt au point de vue artistique.


L'abside a été transformée a la fin du XVe siècle quand furent construits le bas-côté Nord et le clocher. Au XVIIe siècle presque tout l'intérieur fut refait ou remanié. En définitive, seules ont subsisté du monument primitif : la façade, quelques colonnes et les premières assises du mur d'enceinte.

CORME ROYAL

La façade comporte au rez-de-chaussée un portail en plein-cintre encadré de deux fausses portes de même hauteur, avec arcs brisés. Ce portail longtemps muré n'a été dégagé qu'en 1880. Très restauré. II ne présente plus guère de sculptures d'origine. De ses quatre voussures qui débordent largement les unes sur les autres, les deux plus petites sont ornées de personnages debout; Isolés ou encadrés dans des médaillons : Christ, anges, abbés crosses, moines. Les deux autres sont chargés d'entrelacs et de feuillages stylisés. Sur un bandeau reliant les chapiteaux des baies latérales, je remarque une scène à sujets multiples. Une fine corniche, délicatement travaillée sépare le rez-de-chaussée du premier étage. Celui-ci, partie maîtresse de l'édifice, comprend au centre une large baie percée d'une longue fenêtre accompagnée de chaque côté d'une baie aveugle, toutes les trois en plein-cintre.


Les multiples arcs de cet étage sont portés par de très élégantes colonnettes. Des groupes de colonnes séparent les fenêtres , d'autres meublent les extrémités de la façade. Au-dessus, complétant l'ensemble, une corniche ornée de rinceaux et de feuillages s'appuie sur des modillons très ouvragés. Colonnes et colonnettes, chapiteaux et bases sont richement décorés de motifs tous différents et très finement exécutés.

CORME ROYAL

Sur la grande arcade de la vaste fenêtre centrale qui coupe la corniche et s'élève largement au-dessus, se développe l'allégorie des Vierges Sages et des Vierges Folles. Quatre d'un côté, quatre de l'autre. 

CORME ROYAL

La première voussure de la baie de droite présente le combat des Vertus et des Vices; Vertus équipées en guerre. (Si vis pacem...!) Ces thèmes célèbres, fréquemment reproduits sur les façades de Saintonge, à Aulnay, à Fenioux, à Varaize, à Pérignac, etc., seront examinés avec plus de détails dans le texte d'Aulnay.
D'autres sujets variés, d'autres motifs très fouillés occupent tous les emplacements disponibles ; mais ce sont les combats d'oiseaux et de quadrupèdes qui dominent dans la décoration de cette église. Le mur qui surmonte le premier étage a été construit vers la fin du XVe siècle pour servir de base au clocher; au milieu se détache une statue fort bien traitée, remploi probable provenant des parties abattues. Le personnage debout sur une console paraît être un ange. Vêtu d'une ample tunique , il tient sous son bras gauche un volumineux objet.
Le clocher n'a probablement jamais été plus élevé qu'il ne l'est aujourd'hui. Manque de fonds sans doute. (L'Abbaye-aux-Dames, avait à cette époque de nombreux chantiers en cours : Saint-Just, Marennes, etc.), ou bien le soubassement paru trop faible pour pouvoir supporter une masse plus importante. Il est actuellement coiffé d'une toiture Louis XIII en ardoise.
L'intérieur de l'église fait ressortir les multiples remaniements qui ont modifié la disposition et même l'utilisation de cet édifice. Dès l'entrée, le visiteur se heurte à un mur massif percé d'une porte haute et étroite qui, par cinq marches accède à la nef. Cet espace sorte de porche ou de vestibule est éclairé par deux fenêtres en plein-cintre : l'une ouvrant sur la façade, l'autre très étroite regardant le Nord. Il est recouvert à grande hauteur d'une voûte en ogive étoilée, réunissant ses nervures autour d'un trou à cloches.
La nef d'une belle élévation comprend six travées, les trois premières voûtées en ogive avec clés sculptées (l'une porte la date de 1626) ; les trois suivantes moins hautes en berceau brisé. Elles sont séparées par des doubleaux à profil prismatique. C'est sur le mur droit que se voient surtout les traces des transformations successives.

CORME ROYAL vigilance

(Ne manquez pas ce splendide chapiteau sur le combat spirituel et
la vigilance pour ne pas se faire prendre sournoisement par nos penchants cachés
Plus tard la vigilance sera représentée en façade par les vierges sages et folles)


Les premiers arcs de la voûte retombent à droite sur un gros chapiteau roman décoré d'un énorme dragon ailé combattant un quadrupède dressé devant lui. A hauteur du tailloir court un large cordon finement travaillé. Les autres arcs s'appuient sur les impostes sculptés des pilastres plats. Trois fenêtres en plein-cintre à colonnettes d'angles percent ce mur, qui fait près de 3 mètres d'épaisseur.
Le mur gauche abattu au XVe siècle a été remplacé par une suite de cinq grosses colonnes lisses, sans chapiteaux, qui reçoivent les arcs ogivaux de la voûte et les retombées des six grandes baies ouvrant sur une deuxième nef couverte également en ogive. Éclairée par cinq fenêtres en arc brisé, cette deuxième nef possède aussi à l'occident et sur un palier précédé de plusieurs marches sa porte d'entrée particulière extérieurement sans ornement. Une grande fenêtre ogivale perce le chevet plat de l'abside. Le chevet primitif était demi-circulaire. Il portait vraisemblablement sur le chœur ou sur l'ancien carré du transept un clocher roman. Dans le chœur est accroché un tableau de Larfigue ou Artigue, peintre d'une certaine notoriété, qui vivait vers 1630.
L'église de Corme-Royal, dédiée à Saint-Nazaire, classée Monument Historique le 21 janvier 1907, a été fortifiée au Moyen Age et en a conservé de nombreuses traces. Des embrasures trouent les murs du clocher vers la base ou à son sommet. Le mur Sud semble appartenir plutôt à un château qu'à un édifice religieux. Il est garni en entier de merlons et de créneaux.
Il existerait une crypte sous l'ancienne église paroissiale, c'est-à-dire sous la place.

_________________Fin du texte de Charles CONNOUË

(livre 1 épuisé)

édition: R.DELAVAUD (Saintes)__________avec leur aimable permission

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Pour ceux qui veulent remonter le temps,
voici un des plus ancien drame liturgique (daté du XII e siècle) en langue poitevine  et en latin
(L'époux mystique parle même en patois !)

CORME ROYAL l'époux

" Les vierges sages et les vierges folles " par Freddy BOSSY;

article paru dans la revue " AGUIAINE_Le SUBIET " et que l'auteur m'a autorisé aimablement à reproduire ici.

"LE SPONSUS"



Une parabole abracadabrante dont voici une des traductions:

1.lors le royaume de Dieu sera semblable à dix vierges, qui ayant pris leurs lampes, s'en allèrent au-devant de l'Époux.
2. Or, il y en avait cinq sages et cinq folles.
3. Les folles en prenant leurs lampes n'avaient point pris d'huile avec elles.
4. Mais les sages avaient pris de l'huile dans leurs vaisseaux avec leurs lampes.
5. Et comme l'Époux tardait à venir, elles sommeillèrent toutes, et s'endormirent.
6. or, à minuit, il se fit un cri, disant : voici, l'Époux, sortez au-devant de lui.
7. Alors toutes ces vierges se levèrent et préparèrent leurs lampes.
8. Et les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s'éteignent
9. Mais les sages répondirent, en disant : Nous ne pouvons vous en donner, de peur que nous n'en ayons pas assez pour nous et pour vous ; mais plutôt allez vers ceux qui en vendent et en achetez pour vous-mêmes.
10. Or, pendant qu'elles en allaient acheter, l'Époux vint ; et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle de noces , puis la porte fut fermée.
11. Après cela, les autres vierges vinrent aussi, et dirent ; Seigneur ! Seigneur ! ouvre-nous !
12. Mais il leur répondit, et dit ; En vérité, je ne vous connais point.
13. Veillez donc ; car vous ne savez ni le jour ni l'heure à laquelle le Fils de l'homme viendra.

_________________ (Évangile selon St-Mathieu, XXV, versets 1 à 13) _____________

Surtout à ne pas prendre au sens littéral qui donnerait :

Un époux qui a dix promises et/ou qui va se marier mais est parti !
Dix vierges qui attendent son retour avec des lampes, une lampe aurait suffit!
Qui s'endorment car il est en retard, ce sont les seules choses normales dans cette parabole !
Cinq des vierges demandent de l'huile aux autres qui refusent,  bel exemple de charité !
Qui conseillent d'aller en acheter en pleine nuit sans lampes pour voir le chemin !
Et les autres de le faire ! Des vierges qui sortent à minuit, ça c'est de la folie !
L'époux qui se marie en pleine nuit avec la moitié seulement des promises?
L'époux qui ferme la porte en pleine nuit à celles qui sont allées au ravitaillement: ça c'est refuser l'aide à son prochain!

Comme quoi il ne faut pas interpréter au premier degré !!!!
La méthode vaut pour les chapiteaux !

- L'Époux, c'est le Christ
- Les promises c'est l'Église
- L'arrivée de l'Époux, c'est le retour du Christ, à la fin des temps au jour du jugement ;
- Les vierges celles et ceux qui se disent chrétiens et ont vécu comme tels
- La lampe, c'est le symbole de leur foi
- L'huile avec la lumière qu'elle produit sont les œuvres qui en résultent
- L'heure de minuit représente ce qu'il y aura de soudain et d'inattendu pour la Parousie
- La salle des noces c'est le royaume des Cieux

La moralité: préparez vous au jugement dernier, soyez vigilants.

à rapprocher d'une autre parabole en Luc. XIII. 25.
Faisons parler l'unique gros chapiteau qui reste à l'intérieur :


corme royal

Trois monstres pour nous représenter, à lire comme une seule âme en souffrance !

L'un combat un monstre 
pendant qu'un autre à l'intérieur de lui-même l'attaque sournoisement.

Celui au centre a déjà acquit ses ailes aux pattes _ symbole positif en lien avec le ciel _ qu'il a eu probablement du mal a conquérir
Il combat un vice à sa droite
mais une partie de lui-même acquise au Malin réside _ au plus profond de son être _,
dans sa queue, là se cache un vice endogène.
La queue sans connotation sexuelle pour le sculpteur est le maillon faible de nos penchants mauvais.
Celui-ci n'est pas maîtrisé et il nous "prend par derrière" au sens de "nous rechutons ou rechuterons".

Bien qu'en plein combat contre un vice il faut rester vigilant 
parce qu'en nous des forces maléfiques restent cachées!

Voici les cotés :


Les autres petits chapiteaux:

Le combat intérieur

Le Malin attend son heure au dessus

Une âme, moitié oiseau moitié terrestre
L' oiseau enseigne et domine l'animalité

(remarquez la tête carrée)

L'âme de celui qui est divisé
Queue bifide:
Une partie en spirale signe de spiritualité
L'autre en  lancéolée symbole sexuel
Tête avec des oreilles pointues symbole d'une âme qui sera  gagnée par le Malin


situation de CORME ROYAL

A visiter aux alentours de CORME-ROYAL:

 

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